Vous allez me demander : « Pourquoi veut-il nous parler de la loi sur l’économie circulaire ? » La question est naturelle… et c’est dans les débats au Sénat que la réponse se trouve. En effet, débattu la semaine dernière par la Haute Assemblée, le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire comporte désormais des dispositions relatives aux dates limites de consommation (DLC) et aux dates de durabilité minimale (DDM).
Historique
Lors de notre participation à la conférence foodtech de Google à Rennes en février dernier, nous avions traité — notamment — des startups dont le business model n’est autre que la lutte contre le gaspillage alimentaire. Deux leaders du militantisme commercial s’imposent sur le marché : l’ESS Phénix et la plus jeune Too Good Too Go (a.k.a. « TGTG »).
TGTG est notamment à l’origine d’un livre blanc intitulé « Les dates de péremption, une idée dépassée ? » Travaillé avec plusieurs parlementaires dont le président du Conseil national de l’alimentation Guillaume Garot et en lien avec le gouvernement, ce livre blanc a finalement trouvé un écho retentissant dans le projet de loi porté par la secrétaire d’État Brune Poirson.
Concrètement ?
Les sénateurs ont déposé plusieurs amendements au projet de loi pour amorcer une nouvelle réflexion sur les DLC et les DDM en France. Si le sujet devra être porté au niveau de l’Union européenne pour avancer durablement, la public affairs footprint des foodtechs dans le débat public est désormais avérée.
Les enjeux alimentaires sont désormais étroitement liés aux politiques publiques de l’environnement (produire sain et durable), de santé (manger mieux et manger bon) et de solidarité (mieux rémunérer les producteurs tout en rendant accessible à tous une alimentation de qualité). Ce kaléidoscope des exigences de l’action publique alimentaire a su convaincre au Sénat, par-delà les clivages politiques traditionnels.
Souvent présentés comme « conservateurs » (sic.), les sénateurs ont largement verdi le texte du Gouvernement ; et finalement, ils ont adopté les les propositions du groupe communiste et écologiste (CRCE) et du groupe La République en Marche (très minoritaire au Sénat). Ce sont les sénateurs Guillaume Gontard (CRCE, Isère) et Franck Marchand (LaREM, Nord) qui ont fait adopter deux nouvelles mesures dans la loi :
« Les dates limites de consommation et les dates de durabilité minimale affichées sur les produits alimentaires ne peuvent être inférieures aux délais minimaux de consommation et de durabilité fixés par décret afin d’assurer une mise en œuvre uniforme. »
G. Gontard (amendement n° 119) et F. Marchand (amendement n° 606)
Un seul hic : le gouvernement était défavorable aux mesures portées par les deux sénateurs. On retiendra surtout que les communistes et que LaREM, loin d’être majoritaires et du même côté de l’hémicycle au Sénat, ont su emporter l’adhésion de leurs collègues — dans la plus pure tradition sénatoriale. Mieux, le projet de loi dans son ensemble a finalement été adopté à la quasi-unanimité des voix : 342 sur 343 !
Next steps
Les débats au Sénat ne sont qu’une première pierre à l’édifice. Il reste en effet encore beaucoup à faire pour permettre une meilleure compréhension par les consommateurs du sens des DDM — et donc pour réduire tout le gâchis de nourriture. Il est toutefois notable que le sujet émerge, poussé fortement par un Petit-Poucet de l’agroalimentaire. Les initiatives telles que la Société des consommateurs et autres foodtechs ont un rôle indéniable à jouer dans la transition de notre modèle productif et consumériste.
Rendez-vous désormais à l’Assemblée nationale pour savoir si cette avancée au Sénat se concrétise in fine ! Le projet de loi sera débattu à partir de novembre par les députés sous la houlette des rapporteures Stéphanie Kerbarh et Véronique Riotton.